La carpe

Nom scientifique : Cyprinus carpio (Linné, 1758)
Classe : Ostéichtyens (Poissons), ordre Cypriniformes, famille Cyprinidés

La carpe est un poisson de taille moyenne qui vit dans les eaux douces en Europe, en Asie et en Extrême-Orient.
Nous parlons ici des variétés communes de carpes (commune, cuir, miroir, royale). Il existe d’autres espèces comme les variétés dites ornementales (Koï), les carassins ou les carpes chinoises (Amours), assimilées à tort ou à raison aux carpes. Ces espèces ne seront pas décrites ici mais feront l’objet d’autres articles.

Description :

La bouche, protactile (qui s’allonge vers l’avant), est munie de fortes lèvres portant 4 barbillons (filaments tactiles/sensitifs). La carpe possède une seule dorsale longue munie d'un rayon osseux et une anale courte. Ce poisson osseux, au squelette entièrement ossifié, est le plus gros de nos cyprinidés.

Originaire d’Asie et plus précisément de la région de la mer Caspienne jusqu’au Danube, elle fut introduite en Europe occidentale et en France par les romains entre le 1° siècle et le 2° siècle après J.C (Mais des fossiles plus anciens ont été retrouvés dans l'ancien lit de la Seine). Son expansion dans l’hexagone date du Moyen Age, dès le 10° siècle. Elle s’est largement répandue sur l’ensemble du territoire à l’exception des zones de montagne (Alpes, Pyrénées).

- Les variétés communes de carpes :
A partir de la souche originelle sauvage, différentes variétés ont été sélectionnées en Europe
centrale au cours du 19e siècle sur des critères de vitesse de croissance et de conformation du
corps en particulier pour le filetage. Les 3 variétés principalement présentent dans l’ouest de
la France sont la commune, la miroir, la cuir.

- La carpe commune ou carpe à écailles :
Le corps est allongé et trapu recouvert de grandes écailles disposées régulièrement. Le dos est brun vert et les flancs sont à reflets dorés et le
ventre blanc à jaunâtre.

- La carpe miroir :
Le corps est plus trapu. Son dos est brun foncé. Ses couleurs sont les mêmes que celles de la carpe commune : le dos est brun foncé avec des flancs jaunâtres et dorés. Cependant, les carpes miroirs ont une écaillure incomplète, le plus souvent latérale avec de grosses écailles (de 20 à 50 mm de diamètre). Le corps est en parti à nu avec une peau qui ressemble à du cuir et en parti muni de grosses écailles le long du corps. A noter qu’il existe une appellation de carpe royale, des carpes qui sont munies d’une seule rangée d’écailles sur le dos.

- La carpe cuir :
Le corps est robuste proche de celui de la carpe miroir mais est totalement dépourvu d’écailles. Seuls le dos et le pédoncule dorsal en sont parfois couverts, ce qui donne un aspect très lisse au poisson.

- Poids et longévité
En moyenne, les carpes ne dépassent pas le mètre pour 10 kg. Il n’est quand même pas rare de
trouver des poissons de 10 à 20 kg. Certains sujets peuvent exceptionnellement dépasser les 30 kg et aller près de 40 kg (des spécimens de 42 et 44 kg ont été capturés dans le delta du Rhône au filet). La carpe miroir record de France en pêche à la ligne mesurait 102 cm avec une circonférence de 120 cm et un poids de 37 kg (35,2 kg pour la Cuir et 31,6 kg pour la Commune).
Les carpes ne vivent généralement pas plus de 20 ans, en général 18 à 20 ans, mais certains spécimens auraient vécu 70 ans.
Des gestionnaires d’étangs sont parfois étonnés de ne pas retrouver les carpes record qu’ils avaient alevinées dans leurs étangs. Il faut bien comprendre que la grande majorité des carpes pesant plus de 10 kg sont en fin de vie et qu’il n’est vraiment pas certain de les retrouver vivantes 1 ou 2 ans après. Pratiquer l’empoissonnement au-delà de 10 kg présente un risque car le nombre d’individus survivants diminue très rapidement avec le temps.

- Habitat et Mœurs :
La carpe commune est un poisson typique des cours inférieurs et des milieux lentiques(eaux tranquilles, stagnantes, chaudes et peu profondes des rivières, des canaux, des étangs et des lacs, bras morts, prairies inondées …)
Elle se complaît dans les milieux vaseux où la végétation est dense et affectionne les zones encombrées, les zones de confort, les proximités de fosses ...
Elle se rencontre également dans les milieux saumâtres (<10g/l de sel) où elle peut effectuer son cycle biologique.
Elle est très résistante et tolère, comme le carassin, une eau à faible concentration d’oxygène dissous (jusqu’à 0,5 ppm). Elle préfère les eaux relativement chaudes (entre 15 et 25°C) mais supporte les températures des hivers de nos régions. À l'état adulte, la carpe commune supporterait des températures allant de 1 à 35ºC.
C’est un poisson plutôt actif au crépuscule et à la nuit. En hiver, dès que la température de l’eau est inférieure à 8-10°C, les carpes s'engourdissent et ralentissent leur activité (qui reste tout de même marquée la nuit). Elles recherchent alors les eaux profondes, libres de glace, où elles se rassemblent en grand nombre en bancs sur le fond. Durant cette saison, elles peuvent perdre jusqu’à 15% de leur poids. Des études réalisées par les carpiste montrent que l activité alimentaire des carpes est au plus bas entre décembre et février.
C’est un poisson grégaire qui s’isole avec l’âge.
La carpe a démontré des facultés d'adaptation rapide a son environnement : par exemple une forte pression de pêche peut modifier son comportement alimentaire, ses lieux de repos, et son comportement global.

- Régime alimentaire :
La carpe commune est omnivore, planctonophage et benthophage à prédominance carnivore : larves d'insectes, vers, crustacés, mollusques, débris de végétaux. La nourriture varie en fonction de l’âge, des saisons et des habitats. C'est un poisson fouilleur des fonds et déracineur des végétaux. Avec l’age, les grosses carpes recherchent des écrevisses (quand il y en a) devient une grande part de son régime alimentaire et peuvent s'attaquer aux autres petits poissons ou aux œufs de frais de poissons et ne dédaigne pas les algues les graines.
Elle a une prédilection pour les anodontes (moules d'eau douce) dont elles brisent la coquille avec leurs dents pharyngiennes. La carpe se nourrit surtout au crépuscule.
La température joue un rôle important en ce qui concerne l'appétit de la carpe. Au dessous de 10º elle ne mange pas ou à peine. La température optimale est de 20º.

- Reproduction :
La reproduction naturelle s’effectue à fleur d’eau dans la végétation. Les carpes sont mâtures à 2 ans pour les mâles et à 3 ans pour les femelles. La reproduction naturelle est assez tardive, entre juin et juillet (voire en août) dans nos régions, car elle nécessite une température de l’eau supérieure à 18°C. Le frai se déroule à l’aube dans les eaux peu profondes comme les prairies inondées si elles sont accessibles. les mâles sont couverts de turbercules nuptiaux et la parade nuptiale est bruyante car plusieurs mâles se disputent une femelle La reproduction des carpes donne lieu à des manifestations bruyantes. On peut l’observer sur les bords des étangs en été, les carpes sont massées proche des bords peu profonds et donne l’impression de se courser les unes après les autres.

La femelle pond plusieurs milliers d'œufs adhésifs (entre 80 000 et 120 000 oeufs par kg de son poids), parfois en plusieurs fois, parmi les plantes aquatiques, dans une eau atteignant les 20°, et peu profonde afin qu′ils restent exposés à la lumière. Ces oeufs, de 1,5 mm de diamètre, adhèrent à la végétation immergée. L’incubation dure de 3 à 8 jours à 20°C. Les alevins, qui mesurent de 5 à 6 mm à l’éclosion, demeurent inertes et dissimulés parmi les plantes de bordure et ne se détachent de leur support qu’au bout de 2 à 3 jours. Après la résorption de leur réserve vitelline, les premières proies ingérées sont généralement des rotifères et des micro-algues. A partir de 2 cm, ils commencent à consommer des organismes benthiques. Les carpillons ont, au départ, une croissance très rapide. À noter qu′une carpe peut s′hybrider avec une autre variété de carpe, un carassin ou encore, un poisson rouge.

- Pisciculture :

La carpe est l'espèce aquacole la plus produite dans le monde.Elle se prête aisément à l'élevage, c’est d’ailleurs le poisson typique de l’élevage extensif.

Elle fait l’objet d’un élevage en France depuis plusieurs siècles. Des variétés comme la « miroir » et la « cuir » sont spécifiques de ce mode l’élevage.
Deux types d’élevage sont pratiqué en France: l’élevage extensif et l’élevage semi extensif.

- L’élevage extensif est un élevage basé sur les ressources naturelles. Il consiste en une récupération du poisson par prélèvement, simple pêche ou vidange, la seule intervention préalable étant l’empoissonnement.
Les étangs de production de « feuilles » fournissent en fin de première année des « feuilles » de 20 à 50 grammes. Les feuilles peuvent être placées dans des étangs à « nourrains » qui fourniront en fin de deuxième année, des carpes de 200 à 500 grammes. Ces dernières seront mises dans les étangs pour le grossissement et l’obtention de carpes de consommation de 1 à 3 kg. Enfin certains étangs produiront sur plusieurs années des carpes de plus de 6 kg (voire beaucoup plus) pour les alevinages des étangs de pêches sportives.

- L’élevage semi extensif consiste à agir sur le milieu afin d’en améliorer la productivité par des amendements, un contrôle de la végétation aquatique, et par l’apport de nourriture afin d’augmenter le rendement. Les rendements obtenus en France oscillent entre 300 et 600 kg de poisson par hectare. En Chine et en Israël les rendements des élevages intensifs sont supérieurs à 10 Tonnes par hectare.

- Reproduction contrôlée et reproduction aménagée :
La reproduction en milieu naturel est efficace et généralement utilisée par les pisciculteurs qui mettent en présence un mâle pour deux femelles. La reproduction contrôlée est complètement maîtrisée et peut être mis en œuvre en piscculture. Il est possible de prélever les gamètes par massage abdominal (suite à un traitement hormonal) chez les reproducteurs des 2 sexes et ensuite de mettre en présence les gamètes.
La reproduction aménagée peut se réaliser sur frayère Dubisch-Hofer ou étang de pose. De 1 à
3 pontes/ 100m2. De 3-5 pontes à 10 pontes/ha sur grands étangs. Sex ratio M/F : 2/1.
La « Dubisch » est mise en eau le plus tard possible pour l’obtention de rotifères nécessaires au nourrissage des juvéniles. Ensuite, les animaux sont mis dans des étangs de production de « feuilles » afin d’obtenir en fin de première année des « feuilles » de 20 à 50 grammes.

- Croissance :
La croissance des carpes est variable et dépend de la qualité de nourriture et de la durée de période de croissance. La croissance n’est pas la même suivant les variétés. Les carpes miroir et cuir grandissent plus vite que la commune (jusqu’à 3 kg en 3 étés). La croissance peut être freinée par une concentration d’individus importante. Plus les alevins de carpes sont hauts de corps plus la croissance sera rapide, c’est même un critère de sélection pour l’alevinage et la consommation. La qualité d’un alevin de carpe (au sens d’une croissance intéressante) se mesure en comparant la plus grande hauteur et la longueur mesurée de la bouche à l'extrémité de la nageoire caudale. Pour les Miroirs, Cuirs ou Royales, ce rapport de la longueur sur la hauteur doit être proche de 2,5 fois, et plus il est grand moins la qualité est bonne. Ce rapport est de 3,5 fois pour la commune. Notons que cette sélection peut aussi se faire sur des gros spécimens.

Poids obtenus en vidange d'automne pour un élevage extensif :
1 été : 7 à 10 cm (25-100 g) "feuilles"
2 étés : 15 à 30 cm (200-500 g) "nourrains"
3 étés : 30 cm (1 à 2 kg)

- Insolite :
La pisciculture de la carpe est très ancienne: un livre du chinois Fan Li datant du VII - VI siècle avant J.C. mentionne son élevage.
La carpe été introduite en Australie dans des rivières du sud-est mais elle y est considérée comme un prédateur redoutable et nuisible pour les espèces indigènes. Elle y serait en cours d'éradication.
La carpe et le carassin peuvent s’hybrider et donner des individus stériles nommés « carpe de Kollar ». Ces poissons, aux caractères intermédiaires, sont très résistants et ont une croissance
rapide.

- Dénomination :
Noms étrangers : carp anglais) - Common Carp pour la carpe commune), karpfen ou karp (allemand), carpa - carpio (italien), karpa (espagnol), saran(croate)
Origine du nom : du wisigoth carpa
Dénominations classiques : Carpeau, carpillon, feuille, feuille ou seillée (carpe d’1 été), nourrain ou pénerd (carpe de 3 étés)
Autres noms rencontrés sur le territoire français : carnaucier, carpo, clou poing, escarpa, escarpo, grosse feuille, karpf, kerpaille, kerpen, pénard, seille, seillée, ...

B. Chervy - 2007